lundi 28 janvier 2013

Escapade polaire

La galerie "Le Fil Rouge", à Roubaix

Après les mers du Sud, direction les plaines glaciales du grand Nord ;-) !

J'ai en effet passé le week-end chez des amis de la région lilloise et en ai profité pour aller voir l'exposition Vanitas vanitatum omnia vanitatum dont je vous ai parlé la semaine dernière.

Mon dieu, quel froid ! Brrr... Heureusement, les gens du Nord sont très chaleureux et je me serais vraiment cru à Tahiti, côté relations humaines bien sûr...

Petit reportage photo express :

Commençons par quelques céramiques emblématiques de Marc ALBERGHINA, que vous pourrez admirer au Fil Rouge jusqu'au 9 mars prochain :

- "Usine I", 2010 (L. 80 cm, l. 40 cm, h. 60 cm) :


- "Virus", 2010 (L. 100 cm, l. 23 cm, h. 50 cm) :


- "Saint-Sébastien III", 2012 (L. 140 cm, l. 50 cm, h. 95 cm)  :


- Quelques crânes superbement émaillés créés spécialement pour l'exposition et qui feront probablement grincer les dents de certains vallauriens :


Personnellement, j'ai craqué pour l'exemplaire bleu (des mers du Sud ;-) à la mâchoire anthracite. Il y en avait 53 (l'âge de leur papa ;-), tous différents. Le choix ne fut vraiment pas facile !

Quant au célèbre "Festin" ou "Offrande" (2009), il était exposé en guest star au musée d'Art et d'Industrie André DILIGENT, plus connu sous le vocable de "La Piscine" :


Une oeuvre imposante (L. 100 cm, l. 57 cm, h. 76 cm), très forte et dérangeante pour certains, au point d'avoir été vandalisée en 2010 lors de la XXIe Biennale de Vallauris et depuis heureusement recréée par l'artiste.

Elle était de ce fait surveillée comme le lait sur le feu par un gardien tatillon...

Le flash étant interdit, voici une photo de pro (hélas inconnu), dénichée sur le Net : 


C'est la première version de l'oeuvre, avant le drame.

Il y a environ deux ans, comme beaucoup d'amateurs, j'ai eu envie de me frotter à la terre. Yves PELTIER, avec qui je m'en étais alors entretenu, m'a conseillé de contacter un céramiste que je ne connaissais pas : Marc ALBERGHINA. Il était dithyrambique à son sujet, m'assurant que c'était le seul céramiste encore "valable" à Vallauris, qu'il était très sympathique, qu'il donnait des cours, etc. L'oeil englué par la céramique 50, je n'ai vraiment pas du tout "accroché" avec son travail, découvert sur le Net, et oublié l'artiste jusqu'au jours où en me baladant à Nice, en septembre dernier, je suis retombé sur son travail, cette fois-ci "en vrai", à la galerie HELENBEKC. Ce fût alors un véritable coup de coeur : originalité, présence, symbolique, qualité de l'exécution, j'étais littéralement envouté par les pièces que je découvrais. Comment ai-je pu passer à côté d'une telle oeuvre ? La faute, sans doute, à la médiocrité de l'art de notre époque, qui m'a conduit à porter des oeillères, au risque de passer à côté d'oeuvres valables. Yves avait mille fois raison ! A présent, je regarde la céramique contemporaine d'un autre oeil ;-) et fais de temps à autre quelques infidélités à ma chère céramique 50...

Voici le remarquable texte qu'Yves PELTIER, alors commissaire de la XXIe Biennale de Vallauris, a écrit sur "Offrande" :

Avec Offrande, Marc ALBERGHINA nous invite à être les témoins d’un festin bien singulier. En fait il s’agit plutôt des restes de pratiques qui se rapprochent plus de la notion de cannibalisme qu’autre chose. Si cette œuvre s’inscrit donc dans l’histoire de nos pratiques sociales qu’elle entend bien dénoncer ou en tout cas pointer du doigt (le cannibalisme et ses formes modernes), elle fait aussi référence à celle de la céramique et tout particulièrement au phénomène "Vallauris". Là, le mercantilisme cannibale et décomplexé des fabricants et des revendeurs de céramiques à l’esthétique kitsch recouvertes d’émail flammé et "signées" à l’or et l’organisation d’un tourisme de masse destructeur ont provoqué la décomposition d’une aventure humaine et artistique bien connue des amateurs. C’est justement à Vallauris qu’est installé l’atelier de Marc ALBERGHINA.

Charnier de nos comportements, de nos débordement et ambivalences, Offrande est aussi le témoignage de nos peurs ancestrales, de nos angoisses face à la mort, trop souvent et facilement éludées dans une société de consommation avide d’esthétique facile et hypnotique. Dans un monde où l’image de la beauté elle-même (produit organisé et manipulé) et où le jeunisme et la séduction envahissent tous les champs de notre vie, cette œuvre forte, dont les éléments sont érigés et mis en scène de façon totémique, sonne comme un rappel de notre condition humaine. Une condition trop volontairement évacuée de notre champ de réflexion et de vie où la consommation permanente d’images trafiquées aussi factices qu’édulcorées qui tiennent lieu d’icônes modernes faciles et gratuites ressemble à s’y méprendre à un cannibalisme qui ne cache que trop bien son nom sous des apparences soi-disant civilisées.

C'est aussi parce que j'ai beaucoup de mal à supporter la facticité de notre époque et que j'ai hélas bien trop conscience du temps qui passe, si bien décrits par Yves, que l'oeuvre de Marc m'a autant touchée, au point de très vite décider de l'acquérir.

Séduire et horrifier : mission accomplie !

Pour en terminer avec le travail de Marc, je vous signale l'édition par Le Fil Rouge d'une intéressante petite plaquette, "Marc Alberghina - Séduire et horrifier", dont le texte est signé Frédéric BODET, assistant conservateur aux Arts Décoratifs.

A suivre...

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