lundi 14 novembre 2011

Rendons à César...


... ce qui est à César !

Le superbe pied de lampe dont je vous ai entretenu le 14 octobre dernier n'est pas une oeuvre de Georges JOUVE mais de son collègue et ami Pol CHAMBOST.

Au moment de sa réception et de son nettoyage, j'ai eu un doute quant à l'authenticité de la signature "JOUVE" (1) mais l'objet était d'une telle qualité que, pour moi, il ne pouvait être que l'oeuvre d'un très grand céramiste, comme JOUVE. Mon doute s'est donc vite dissipé...

Il est hélas bien vite réapparu, suite au courriel d'un lecteur et collectionneur (merci Jean-Thomas !) me demandant si j'étais vraiment sûr de l'auteur, car pour lui il s'agissait d'une oeuvre de CHAMBOST.

N'étant pas un adepte de la politique de l'autruche, j'ai donc mené mon enquête, via le Net puis en consultant deux experts, Thomas FRITSCH, galeriste bien connu, et Philippe CHAMBOST, fils de l'artiste et co-auteur de l'unique monographie de référence sur le sujet, parue en 2008.

Résultat : c'est bien un CHAMBOST. Et pas n'importe lequel : une authentique rareté !, le modèle n° 1039 (édité en 1954).

L'exemplaire reproduit en tête de ce billet a été vendu par TAJAN lors de la vente "Design et Architecture" du 20 mai 2008 (lot n° 637). Il n'était pas signé (2). C'est le seul que j'ai retrouvé lors de mes recherches sur la toile. Il a été acquis par la galerie Thomas FRITSCH et depuis revendu.


Un autre exemplaire figure dans l'angle supérieur gauche d'une photo du stand de Pol CHAMBOST lors du IXe Salon des Ateliers d'Arts (Paris, septembre 1954), à côté d'un non moins rare vase "buste" (modèle n° 1054), cliché reproduit dans la monographie de l'artiste, p. 81 (en partie reproduit ci-dessus).

Il n'y a donc plus aucun doute.

Ma première grosse "mésaventure" dans le petit monde de la céramique des années 50 se termine donc plutôt bien, puisqu'au final je me retrouve propriétaire d'une pièce beaucoup plus rare qu'un JOUVE ; certes faussement signée "JOUVE", mais plus pour très longtemps car une signature apocryphe ça s'efface heureusement très bien (3).

Puisse cette histoire vous inciter à la prudence car si la même chose vous arrivait, vous risqueriez de ne pas avoir autant de chance que moi, surtout si la qualité de l'objet signé acheté n'est pas au rendez-vous, ce qui n'était pas le cas du mien. En effet, la plupart des faussaires sont intelligents : ils exercent leur talent sur des céramiques anonymes de suiveurs, médiocres, et non sur des oeuvres non signées de vrais artistes. Votre achat faussement signé n'aurait alors aucun intérêt...

Ce truquage a donc été effectué par un piètre faussaire, qui ignorait l'intérêt de la pièce qu'il transformait. Quoi que...  C'est peut-être, au contraire, l'oeuvre d'un excellent faussaire ! Qui connaissait en effet le travail de CHAMBOST avant 2008 ? Très peu de monde... Alors excusons notre homme : il a eu beaucoup de nez en choisissant ce superbe modèle pour exercer ses méfaits et ainsi reconnu "en précurseur" l'exceptionnel talent de sculpteur de Pol CHAMBOST !

(1) En dehors de celle figurant sur ses célèbres "rouleaux", la signature "JOUVE" que l'on rencontre sur les autres objets attribués à l'artiste n'est pas homogène. Il en va de même pour son "alpha" symbolique. Ces variations résultent des circonstances, de l'âge et, pourquoi pas ?, de signatures ponctuelles de collaborateurs... Tout ceci ne facilite pas l'expertise, c'est sûr, et il faut avant tout se fier à la qualité de l'objet et bien vérifier s'il a fait l'objet d'une édition, les modèles uniques étant l'exception. Retenez également que la signature par incision d'une céramique s'effectue toujours (?) avant cuisson. La terre étant encore relativement maléable, il en résulte une certaine spontanéité et de légers "bourelets" périphériques au niveau des lettres, la terre étant chassée mécaniquement. Mon ex JOUVE ne présentait aucune de ces caractéristiques, et pour cause : il a été signé après cuisson, à l'aide d'une meule. Donc pas de "bourelets" et un aspect figé, mécanique, compte tenu de la difficulté de la tâche. Et ça, j'aurais dû y penser :-(.

(2) C'est curieux mais il semblerait que les quelques "n° 1039" produits n'aient pas été signés. Peut-être s'agit-il de prototypes ? Les amateurs détestant généralement ce qui n'est pas signé (ce n'est pas mon cas !), cette production est donc du pain béni pour les faussaires. Attention, donc, aux fausses signatures "JOUVE" ou "CHAMBOST" sur ce modèle, mais aussi sur d'autres modèles non signés de ces deux artistes.

(3) Je ne vais toutefois pas me presser car il y a encore quelque chose qui me "turlupine" un peu au sujet de cette signature incisée : en effet, elle me semble émaillée ! Alors, fausse signature ou... signature d'époque, réalisée après séchage (donc par meulage) et avant émaillage et cuisson ? JOUVE ayant fait cuire quelques pièces en 1954 dans l'atelier de CHAMBOST, qui sait s'il n'y a pas eu confusion de modèles et "erreur de signature" (par un collaborateur) ? Bref, affaire à suivre ! Passionnante, cette pièce ;-)...

Inv. PM PC 4 au lieu de PM GJ 2

2 commentaires:

  1. Bonjour Pascal,

    Tout d'abord un grand bravo pour votre blog, très vivant et très intéressant pour ceux qui découvrent comme moi la céramique des années 50.
    Je tenais à vous signaler un lot(le 126) dans la vente TAJAN N°9645. Il devrait merveilleusement compléter votre collection puisqu'il s'agit du buste de Chambost que l'on voit sur la photo d'archives.
    Bonnes enchères et encore félicitations pour votre blog.
    Pierre.

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  2. Bonsoir Pierre,

    Merci beaucoup pour votre message encourageant.

    J'avais remarqué ce lot, hélas mon "budget acquisitions" est au plus bas en ce moment. Je ne pourrai donc pas participer à la vente :-(.

    Je prévoyais d'en faire le sujet d'un billet. RDV donc dans quelques jours ;-).

    A bientôt donc !

    Pascal

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